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Les femmes latines engagées dans la peinture, Débora Arango, Frida Kahlo

Débora Arango

               Alors qu’elle est un des plus importants peintres colombiens, l’œuvre de Débora Arango reste peu connue en dehors de ce pays. En Colombie, le nom de Débora Arango est certes connu, mais la réception de son œuvre demeure ambiguë.

                La peintre est née en 1907 dans une famille nombreuse aisée, commerçante de Medellin. Elle est la huitième enfant sur douze de cette famille catholique pratiquante comme la plupart des gens dans son pays. Pays qui était considéré comme le plus catholique de l’Amérique latine. Elle eut la chance d’avoir un père relativement ouvert d’esprit, ce qui fut déterminant dans son approche du monde et  dans le développement de son œuvre. La loi

Colombienne établissait comme partout en Amérique Latine, la patria potestas, la « puissance paternelle » : le père était le chef de la famille, qui lui devait obéissance. Le père de Débora fut ainsi un élément essentiel de sa vie et de son point de vue critique du monde qui l'entoure.

                Débora se souvient du paysage humain de la société, qui enfant, s’offrait à elle. Elle se souvient des punitions que faisaient subir la police aux femmes qui sortaient des bars et des cantines. « Quand l’une d’elles était arrêtée, on la tirait par terre au milieu de cris, on la poussait en la faisant monter dans une voiture destinée aux bêtes ». Âgée, Débora s'exprimait, toujours aussi sûre de ses propos et de sa vision des choses: jamais elle ne vit que ce type de traitement soit donné à un animal, et encore moins à un homme. Son regard d'enfant ne la quitta pas. Car comme elle le dit de nombreuses fois à travers ses œuvres; penser, cet énorme acte de liberté, est rare : l’acte de liberté dérange. Son œuvre est un acte de lucidité et un acte de liberté. Les forces de ségrégation et de haine qui ont façonné son pays, les pouvoirs qui ont imposé un ordre moral conservateur, sont le propos révolté de ses toiles.

Ses débuts

                Enfant elle fut atteinte d'un paludisme (maladie parasitaire pouvant être mortelle et transmise par des moustiques) qui l’obligea à déserter l’école pendant les mois. Elle passa de nombreux mois en compagnie d’autres adultes de son entourage à la campagne qui eurent influence importantes dans sa vie. Ce genre d’éducation lui fit développer sa sensibilité par rapport à la liberté.

Débora fut éduquée par des sœurs. Elle rencontra ensuite un professeur d'art et commença à prendre des cours élémentaires. Elle fut ensuite présentée à celui qui deviendra son dernier professeur d'art Pedro Nel.

                Durant les cours d’art de Pedro Nel, les hommes et les femmes étaient formés dans des sections différentes. Et le maître sermonnait généreusement les femmes avec des interjections machistes, leur demandant de s'arrêter à la mauvaise peinture, la peinture « féminine » (fleurs et paysages) et d'éviter d'affronter, la figure humaine.

                Pourtant, curieuse, Débora voulut affronter ce grand défi. Mais la tâche était difficile. La vision du corps nu de la femme était un motif classique chez les peintres hommes. Mais les femmes ? Son enthousiasme la rendit suspecte auprès de ses camarades, qui l’isolèrent. Pourtant, l’une d’entre elles, en secret, accepta de poser pour la jeune peintre : cette jeune femme partait au couvent et elle profitait de ne pas encore être e corps-esclave du couvent. Dans ce minuscule espace de liberté, cette amie offrit à Débora Arango l’occasion de réaliser le tableau La amiga.

La amiga, vers 1939

Une femme insoumise           

                Débora Arango souleva le sujet de l’appropriation des femmes, la réduction des femmes à l'état d'« objet matériel ». L’homme dispose de leur temps (ex: les femmes doivent s’occuper des tâches ménagères) il dispose de sa sexualité (ex: la femme n'avait aucun droit à la revendication et à la plainte des violences sexuelles lorsqu’elles venaient d'un mari), il dispose aussi du fruit de leur corps (les enfants sont la propriété du père et non de la mère) et enfin de sa pensée (l'opinion d'un homme devait être celui de sa femme). Débora avait compris tout ceci, et ne se maria jamais. Elle cita quelque mois avant sa mort:

«Les hommes de ma génération n'éprouvaient de satisfaction que si la femme était docile et obéissante; peu leur importait ce qu'elle pensait, et encore moins ce qu'elle ressentait. [...] La plupart des hommes sont durs et distants. Quand j'étais jeune, se marier à l'un d'eux était comme épouser un épouvantable orage.»

Refuser d'être la propriété physique, économique et psychique d'un homme démontre une part de la liberté de cette femme.

Débora, ses peintures, l'opinion publique et la censure

               Dès sa première exposition collective, Débora décide de représenter le corps de la femme. Ainsi, en 1939, sont exposés, parmi neuf tableaux, “La amiga” et “Cantarina de la rosa ”. Cette exposition réalisée au Club Union de Medellin donna à Débora reconnaissance et ennemis. Plusieurs de ses œuvres

Esquizofrenia en el manicomio , années 40

furent qualifiées d'extraordinaires, elles lui offrirent le premier prix. Mais ses deux nus posaient problème. Ils n’étaient bien-sûr pas les premiers nus féminins dans l’histoire artistique colombienne. Mais ici, il s’agissait d’une autre chose : une femme osait représenter le corps nu d’une femme: voici le reproche adressé à l’artiste. Cet acte fut jugé intolérable pour une partie de la société, surtout depuis qu'elle avait obtenue une reconnaissance publique. Grâce à l’un de ses frères, elle reçut la permission de se rendre à l’asile. Avant d’en être chassée, elle fit un tableau d’une grande violence, une femme prisonnière de l’institution médicale.

 

               Débora Arango s’est toujours clairement écarté de la place que les hommes imposent aux femmes, ce qui est sans aucun doute perçu comme une menace. Pour les autorités ecclésiastiques et nationales, elle représentait un véritable danger. Ainsi par exemple, l’évêque de Medellin fut chargé de mener des enquêtes sur les mœurs de Débora et de sa famille, au bout de l’enquête, il la décréta folle.

En effet, oser représenter et donc s’approprier le corps féminin, le sien ou celui d’autres est un attaque et un manquement à l’égard des hommes et du monde qu’ils ont construit. Elle recevait souvent des insultes et attaques grossières : « Mets-toi à poil toi aussi, puisque tu peins comme ça », avait écrit un critique artistique d’un journal.

Elle fut peu félicitée, mais on faisait parfois son éloge, seulement en mettant en avant son côté masculin. D’autres, ne sachant pas ce qu’ils trouvaient de gênant en cette artiste ou ne voulant pas l’avouer parlaient de « bizarrerie ».

Les attaques à son encontre furent très violentes. Débora Arango  fut une des premières femmes à

conduire une voiture à Medellin, qui portait le pantalon, qui faisait du cheval à califourchon, et on lui jetait des sceaux d’eau bouillante pour ces dernières raisons. Nombreuses de ses œuvres furent censurées et elle dut parfois se retirer chez elle et y laisser quelques œuvres, pour sa propre sécurité. Débora ne réussit pas à faire accrocher deux de ses tableaux lors d’un salon auquel elle fut conviée par un ministre de l’éducation, un nu féminin appelé « Montagnes » et une représentation des travailleurs des abattoirs de la région de Medellin. Son tableau La procesión (La procession) représentait une femme incitant la sexualité des jeunes curés et qui subit la réprobation des dames de la société. On évitait ou refusait souvent d’exposer ses tableaux, pour « éviter des scandales ». En 1957, dans sa ville natale de Medellin, les événements politiques nationaux l’obligèrent même à décrocher elle même ses travaux devant toute une assemblée. Enfin, elle fut exclue des expositions internationales organisées par le gouvernement colombien dans les années 1990 pour promouvoir les artistes colombiens. Le prétexte était qu’elle nuirait à « la bonne image » du pays. Débora Arango est aussi la première artiste qui représenta, dans l’art colombien, les grands bouleversements historiques. Elle fit par exemples des tableaux représentant les foules manifestant.

Débora Arango, une combattante à travers l’art

               Débora s’éteignit en 2005, à 98 ans en Colombie. Elle connut quelques moments de gloire, mais ils furent rares. Pourtant sa force se développa dans son exclusion et les réactions de l’oppression contre laquelle elle lutta en tant que femme, et pour les femmes. Pour répandre ses idées et sortir du pays qui l'étouffait depuis toujours, elle voulait partir à l’étranger, pour elle c’était « le fait de vouloir toucher la lune avec les mains » : elle n'y réussit jamais, malgré ses efforts. Les théoriciennes féministes pourraient, à juste titre, en faire une icône. Car Débora développe un regard unique, perçant. Elle est la première artiste (homme ou femme) à explorer, dans l’art colombien, les bars, les prisons, l’asile, les bordels, tout en assumant sa féminité et se battant pour l’émancipation de ce genre trop souvent oublié en Amérique Latine.

"13 de junio", 1953 représente le coup d’Etat du 13 juin 1953 en Colombie.

Frida Kahlo

               Frida Kahlo est une artiste peintre née au Mexique le 6 juillet 1907 à Coyoacán et décédée le 13 juillet 1954 dans la même ville. Venant d’une famille bourgeoise, elle découvrit l’art avec son père. Elle se destine pourtant à une carrière de médecin en intégrant la plus prestigieuse école du Mexique. A 18 ans, le 17 Septembre 1925, elle est victime d'un accident de bus. Elle eut de graves blessures, notament à la colonne vertébrale et au ventre. Hospitalisée et alitée pendant de nombreux mois, elle commence à apprendre à peindre et réalise ses premiers tableaux, dont ses premiers autoportraits. Pour l’aider, ses parents lui installèrent un miroir au dessus de son lit, pour qu’elle puisse se servir de modèle. cette technique l'emmènera à produire au total 55 autoportraits, sur 148 tableaux réalisés.En 1928, Frida Kahlo commence à s’engager et s’inscrit au parti communiste mexicain. C’est dans la même période qu’elle rencontra Diego Rivera, son futur mari, de qui elle sera trompée et qu’elle trompera. Pourtant, malgré leurs séparations, leur divorce et leur remariage, c’est avec lui qu’elle connut l’amour passionné. Elle subit plusieurs fausses couches dues à son accident et ne put jamais avoir d’enfant. Ces déceptions l'entraînèrent dans une peinture plus sombre et évoquant crûment ces pertes d’enfants brutale.

 

 

Son engagement 

Après la révolution mexicaine de 1910 à 1920, le pays connut une période de calme et de reconstruction. La traditionnelle famille et ses valeurs furent remises en avant. Selon ces valeurs, la femme idéale excellait dans toutes les situations et environnements domestiques, nourrissant la famille et éduquant les enfants, pendant que l’homme s’occupait des affaires publiques et de travailler pour sa famille. Frida Kahlo était une artiste engagée politiquement, et s’intéressait à l’émancipation des femmes dans la société mexicaine. En effet, dès son enfance elle avait toujours rêvé de voyages et de liberté, d’un destin différent de celui des autres femmes mexicaine prisonnières du machisme. Sa réflexion étonnante montrait bien sa détermination. Elle disait “Le Mexique est machiste. Je suis donc féministe. Les femmes sont vouées aux tâches domestiques, je me donne donc corps et âme aux activités artistiques.”. Son engagement passait aussi par ses autoportraits. Sur certains d’entre eux en effet, elle se représentait avec de la moustache, par non-conformisme, par provocation et par féminisme. Elle rejetait ainsi les stéréotypes et préjugés de la femme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Autoportrait au collier d'épines​, 1940

De plus, Frida Kahlo reprit s’identifia plusieurs fois dans ses portraits au personnage légendaire La Malinche*, ce qui démontre son engagement et son amour pour la culture indigène, sa lutte pour la reconnaissance des féminine. Enfin, Frida Kahlo est une artiste engagée très importante, car presque toutes ses oeuvres étaient porteuses d’un message. Elle n’hésita pas à se représenter les seins nus, comme dans Colonna Rota, pour hurler sa douleur, ses problèmes de couple, ses déceptions ou ses impressions. Elle n’hésita pas non plus à critiquer plusieurs fois le capitalisme des sociétés du Nord; Européennes ou des États Unis, comme dans Autoretrato entre la frontera de Mexico y Estados Unidos.

 

 

 

La Malinche: Femme indigène du 16ème siècle. Offerte comme esclave aux premiers colonisateurs, elle devient la maîtresse d’un des leurs, Hernán Cortés, elle donna naissance à l’un des premiers métisses du continent. Icône indigène, elle est devenue une légende.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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