L'émancipation des femmes en Amérique latine
Les défis restant à relever dans ces pays
Entre 1930 et 1960, les femmes d'Amerique latine ont pu exercer le droit de
vote, et plusieurs femmes ont ainsi pu se retrouver à la tête de plusieurs
pays d'Amérique Latine. Isabel Martinez Peron fut la première femme au monde
à devenir présidente d'une République en 1974. Aujourd'hui, le chef de l'Etat
argentin est également une femme, Cristina Kirchner, depuis 2007.
Violeta Chamorro fut élue en 1990 au Nicaragua, Mireya Moscoso devint présidente du Panama en 1999 et Laura Chinchilla fut la première présidente du Costa Rica en 2010. Michelle Bachelet, ex présidente de l'ONU Femme, est actuellement à la tête du Chili. Suite au passage à la démocratie de nombreux pays latino-américains, la Conférence Mondiale sur les Femmes organisée par l'ONU à Pékin en 1995 a accompagné cette féminisation de la vie politique. D'abord héritières de leur mari, ces femmes ont réussi à prouver qu'elles pouvaient être élues directement par le peuple.
Cepandant, peut-on réellement parler d'une féminisation du paysage politique en Amérique Latine ? L'histoire de cette région est marquée par plusieurs noms de femmes chefs d'Etat, mais ces pays sont-ils pour autant des modèles en terme d'égalité de genre sur le plan social ?

*Ça ne te rend pas fort de frapper ta femme, ni ne te rend faible de laver des assiettes.
des sujets problématiques concernant le droit des femmes
Les pays d'Amérique Latine laissent encore apparaître une culture profondément marquée par le machisme et le poids de l’Église. L'Interruption Volontaire de Grossesse est encore interdit, dans presque tous les pays d'Amérique Latine, bien que des femmes en soient les chefs d'Etat. Encore victimes de sérieuses inégalités et exclusions sociales, les femmes sont aussi touchées par un taux de féminicide (meurtres de femmes) alarmant dans certaines zones. De plus, selon l'Organisation Panaméricaine de la Santé, un quart des femmes de la région d'Amérique Latine seraient victime de violences...
Les discriminations sont donc encore nombreuses. Les femmes sont plus sujettes à la pauvreté, elles assument en majorité les tâches non-rémunérées telles que les tâches ménagères, elles sont toujours employées dans des secteurs moins rémunérateurs de l’économie...
S'ajoutent aux discriminations liées au genre, celles liées à l’origine ethnique (indienne ou afro-descendantes) et au racisme qui augmentent la vulnérabilité des femmes.
L'avortement
Le sujet de l'avortement est l'un des plus polémiques en Amérique latine en ce qui concerne le droit des femmes.
Michelle Bachelet au Chili s’est clairement positionnée en faveur du droit des femmes à disposer de leur corps. Lors de son premier mandat, elle a permis l’adoption d’une loi autorisant la contraception d’urgence. En Uruguay, l’avortement a été légalisé l’année dernière. Au Costa Rica, à l’inverse, la dirigeante a clairement manifesté son opposition à l’accès à ce droit.

Une féministe pro-avortement ministre au Brésil
Eleonora Menicucci est une ministre brésilienne au secrétariat des Politiques pour les femmes. Ex-guérillera et amie de Dilma Rousseff, l’actuelle présidente avec qui elle était codétenue pendant la dictature, Eleonora Menicucci promet de défendre la légalisation de l’avortement.
Titulaire d’un doctorat en sciences politiques et issue du Parti des travailleurs, cette féministe de longue date est professeur en santé publique à l’université. Elle a également reconnu publiquement avoir eu recours deux fois à l’avortement. « J’ai des relations avec des femmes et des hommes, et je suis très fière de ma fille qui est lesbienne et a eu un enfant par insémination artificielle. » Un vrai bouleversement au Brésil, alors que la controverse sur l’avortement avait particulièrement marqué la campagne présidentielle de 2010.
Le Féminicide
Un nouveau concept est né dans certains pays d'Amérique latine pour mieux comprendre le phénomène de la multiplication des meurtres de femmes au Mexique et au Guatemala notamment. C’est Marcela Lagarde, ethnologue mexicaine, qui a utilisé ce terme pour
la première fois en Amérique latine, afin de qualifier les meurtres qui ont lieu
à Ciudad Juarez, ville tristement célèbre à la frontière entre le Mexique et les
Etats-Unis pour son taux d’homicides. Il s’agit alors de souligner le caractère
misogyne des assassinats des femmes. Selon elle, le féminicide doit être
considéré comme « un génocide contre les femmes, et il a lieu lorsque les
conditions historiques génèrent des pratiques sociales qui autorisent des
actions violentes contre l’intégrité, la santé, la liberté et la vie des femmes et
des filles».
Au Guatemala, par exemple, le nombre de meurtres de femmes atteint des
taux impressionnants, et la police témoigne d'un profond désinterêt en ce qui
concerne l'enquête sur ces crimes. Partout en Amérique latine, les femmes font
face à la violence dans leur vie de tous les jours dans la plus grande impunité et les choses semblent bien difficiles à faire changer.
C’est donc dans cette situation paradoxale que se trouve aujourd’hui le continent. Entre, d’une part des femmes qui investissent des domaines jusque-là réservés aux hommes en politique et des lois qui essayent d’améliorer l’accès aux droits et à limiter les discriminations. Et d’autres parts, des résistances et des violences structurelles plus présentes que jamais.

La participation politique est encore difficile dans certains pays ex) Mexique

Gisela Mota, Une maire assassinée le lendemain de sa prise de fonction
Le 2 janvier 2016, Gisela Mota, 33 ans, membre du Parti révolutionnaire démocratique (PRD, gauche), a été abattue au lendemain de sa prestation de serment au cours de laquelle elle s'était engagée à lutter contre la criminalité dans cette ville de 100.000 habitants, à deux heures de Mexico. Dans cette région, l’état de Morelos, les cartels de drogue font vivre la terreur à la population, en pratiquant enlèvements et extorsions.